La boussole inversée
BURGAS
Le 19 novembre, nous profitons de notre passage dans la ville de Burgas pour remplir une mission importante : la corvée de la lessive. Nous avons repéré une laverie en libre-service et traversons donc la ville avec nos sacs à dos chargés de linge. En arrivant devant la vitrine, nous trouvons d'abord la porte close. Finalement, un homme à l'air un peu bourru fait son apparition et nous lui expliquons notre venue en anglais. Il sourit et nous répond « Vous êtes français ? » avec un accent impeccable. C'est ainsi que nous faisons la rencontre de Mike, un français d'une quarantaine d'années, installé en Bulgarie depuis 8 ans et gérant de ce petit café laverie, qui fait aussi auberge de jeunesse durant la saison estivale. Après lui avoir confié notre linge, nous passons l'après-midi à discuter autour d'un café, bientôt rejoints par une autre expatriée du Guatemala. Mike est ce qu'on peut appeler un vrai bourlingueur et a beaucoup à nous apprendre. Après une grosse carrière en France dans le développement d'enseignes de grande distribution puis en tant que gérant de restaurants et boutiques, il a tout plaqué pour s'installer en Bulgarie. Il décrit le pays comme un paradis pour les entrepreneurs et investisseurs : une fiscalité avantageuse, peu d'administratif pour monter son entreprise et surtout un coût du logement moindre qui lui a permis d'acheter plusieurs logements locatifs. Il nous partage ses conseils, souvenirs de voyage et nous refaisons le monde en discutant différences culturelles et politiques. Sa nouvelle vie est très intense en période estivale, durant laquelle il peut travailler jour et nuit, d'autant qu'il n'a aucun employé. Mais ce rythme lui permet de voyager le restant de l'année sur ses économies. D'ailleurs, rien que dans les prochains mois, il a prévu de se rendre en Turquie, en Algérie, en Thaïlande puis en Amérique du Sud pour rendre visite à des amis connus par le biais de son activité. Alors bien sûr son revenu n'a aucun rapport avec ce qu'il pouvait gagner en France, mais il s'octroie désormais un salaire bien plus important à ses yeux : du temps. Une liberté de vivre bien inspirante !
Après cette belle rencontre au détour d'une laverie (qui l'aurait
cru), nous nous mettons en quête d'un restaurant pour le soir. Jusqu'à présent,
nous n'avons pas trouvé d'occasion pour découvrir la gastronomie typiquement Bulgare. Ici nous
croisons essentiellement des kebabs, pizzerias ou restaurants ne proposant que
des plats occidentaux. Mais le bistrot « 8 mamas » que nous avons
repéré est réputé pour sa cuisine traditionnelle, et par chance nous
trouvons de la place en ce samedi soir. Nous commandons un pain plat chacun pour
accompagner notre repas (genre de Naan) ainsi qu'un plat un peu par hasard. Les pains arrivent et déjà, nous
pressentons notre erreur : ils sont énormes et fourrés au fromage. Un repas à eux tous
seuls... Puis vient mon assiette bien copieuse de "Kavarna" de bœuf (sorte de râgoût avec des poivrons), et surtout le "Sach" de Valentin qui se révèle servi dans un énorme plat en fonte
et semble être prévu pour au moins deux personnes. Oups, maintenant il va falloir tout
manger, heureusement que tout est délicieux !
SOZOPOL
Nous reprenons notre route vers la ville byzantine de Sozopol, haut-lieu touristique réputé pour son cœur historique construit sur une presqu'île. Comme à Nessebar, l'ambiance est très calme en cette saison et nous croisons seulement quelques habitants occupés à des travaux de rénovation ainsi que les rois des lieux : les chats ! Ses fortifications et ses maisons de pêcheurs en bois typiques de la Mer Noire lui donnent un côté pittoresque qui vaut le détour. On regrettera seulement que la vieille ville et sa belle plage se soient retrouvées enclavées au milieu d'une ville plus moderne et bétonnée.
Nous choisissons donc de poursuivre plus au sud, pour nous trouver un point de chute plus authentique pour les prochains jours. Nous trouvons notre bonheur à Lozenets sur une bande de terre avançant au milieu de 2 plages et uniquement fréquentée par quelques pêcheurs. La vue mer est à 180°, la plage est au pied de Mammouth et l'on en profite pour découvrir le petit port et son sable rendu mauve par les débris de coquillages par endroits. Assurément l'un de nos plus beaux spots depuis le début du voyage !
AHTOPOL
Cet authentique village de pêcheurs est notre prochaine étape. Quand les conditions météo sont bonnes, la houle rentre et en fait un spot de surf privilégié. Mais malheureusement, ce ne sera pas pour cette fois : il faudra encore attendre pour espérer surfer sur la Mer Noire... Ahtopol est tout de même l'un de nos endroits favoris de cette côte Bulgare. Beaucoup plus dans son jus que les villages touristiques, avec son petit phare abîmé par le temps et ses bateaux de toutes les couleurs, il s'en dégage une atmosphère à part qui me rappelle des villages du sud de la Crète. La côte qui est beaucoup plus sauvage et découpée nous fait penser à la Bretagne et accueille une foule d'oiseaux marins dans ses rochers. Ici, nous découvrons la vie locale des marins qui s'attellent à remonter leurs bateaux le long de longues rampes pour les mettre en hivernage. Nous échangeons quelques mots et sourires avec eux, souvent des hommes plus tout jeunes et aux visages marqués par la mer.
SINNEMORETS
A 6 km au sud d'Ahtopol, Sinnemorets marque notre dernière
étape sur le littoral bordant la mer Noire. Et c'est aussi notre préférée ! La ville est très rudimentaire et les quelques commerces
sont fermés hors saison. Mais son emplacement est unique : située sur une
péninsule, elle surplombe la magnifique plage de Veleka, sur laquelle débouche une rivière du même nom. L'ensemble est bordé d'une belle réserve
ornithologique, dans laquelle nous avons pu observer quelques hérons et
cormorans. Ici, tout semble calme et d'un autre temps : les troupeaux de
moutons viennent paître au pied du camping-car et il est normal de croiser
des chevaux en liberté ou encore une carriole dans le village. L'association entre cette
eau claire, le vert de l'herbe et la roche foncée brouille les pistes quant à l'identité
de ce décor... Peut-être un joli mélange entre la Bretagne, la Vendée et l'Ecosse
? Nous avons atteint le point le plus au sud de notre voyage en Bulgarie, et
pourtant ce paysage d'Europe du Nord semble avoir inversé notre boussole !