Là où le temps s’est arrêté
Après avoir traversé la Croatie d'ouest en est, en profitant d'un arrêt de quelques jours à Zagreb, nous voilà en route pour la Bosnie Herzégovine. Une destination encore peu touristique et plutôt méconnue en France. Nous les premiers, avions très peu de connaissances sur ce pays avant d'organiser notre voyage. à quoi ressemblent ses paysages ? Quel est le niveau de vie là-bas ? Qu'est-ce qu'on peut bien y manger ?
Mais la première évocation qui vient souvent en tête est malheureusement celle de la guerre. En effet, le pays est tristement célèbre pour les conflits qui l'ont secoué tout au long du 20ème siècle. D'abord, il fut le théâtre du déclenchement de la Première guerre mondiale avec l'attentat de Sarajevo, puis champs de bataille lors de la Seconde guerre mondiale. En 1992, c'est l'explosion de la Yougoslavie qui secoua la Bosnie d'une guerre terrible qui dura jusqu'en 1996, causant 100 000 morts et 2 millions de déplacés... Ce dernier événement est particulièrement glaçant, quand nous réalisons qu'il coïncide avec notre naissance. C'est donc notre génération qui a grandi avec la guerre.
Les traces des conflits sont omniprésentes (décombres, traces d'impacts de balles, mines...), mais la Bosnie ne se limite pas à cela. Ce pays recouvert de montagnes, bénéficie de la nature la plus sauvage et préservée d'Europe. Côté histoire, il fut dominé par les Ottomans pendant 4 siècles, mais le pays vu aussi se succéder les empires Romains, Byzantins, Slaves et Austro-hongrois. Un passé plutôt chaotique, mais qui en a fait un pays très riche culturellement, à la croisée entre Occident et Orient. Parmi ses 4 millions d'habitants, plusieurs ethnies et religions cohabitent aujourd'hui, avec une majorité musulmane. Enfin, c'est un pays encore en transition, qui doit répondre à de gros enjeux : la crise économique (20% d'inflation et un niveau de vie très bas avec un salaire moyen de 300€), les conflits inter-ethniques toujours présents, ainsi qu'un important exode.
Le 29 septembre, notre compteur affiche 195 888 kilomètres lorsque quand nous franchissons la frontière au Nord de la Bosnie, soit 3500 kilomètres parcourus depuis notre départ. Nous comprenons très vite que nous allons adorer découvrir ce pays. Les premiers paysages et le contraste avec les autres voisins Européens parcourus est saisissant. Nous roulons dans un vrai no-man's land, entre montagnes et plaines. Pourtant, nos yeux sont attirés partout devant la beauté sauvage qui s'en dégage, soulignée des couleurs de ce début d'automne. Nous ne croisons pas un habitant sur plusieurs kilomètres, seules quelques vaches, moutons et chiens errants.
Progressivement, quelques habitations apparaissent, parsemées entre les collines. Tantôt abandonnées, tantôt en ruines... Parfois habitées, mais non terminées avec leurs briques apparentes. Nous observons l'extrême pauvreté dans laquelle demeurent les paysans de cette région. Les rares maisons sont entourées d'un bric-à-brac de vieux tracteurs, tas de bois, poulaillers et petits potagers. Tout cela nous donne l'impression de remonter un siècle en arrière, comme si le temps ici, s'était arrêté.
Nous faisons un arrêt rapide à la première ville, Bihac, que nous croisons en chemin pour retirer quelques marks et acheter des cartes SIM prépayées pour nos téléphones. Là aussi, le changement est notable avec les pays précédents. L'accueil que l'on nous réserve est très chaleureux, malgré que la plupart des habitants croisés ne parlent pas un mot d'anglais. Nous collectons de grands sourires et remerciements, certains nous proposent même leur ticket de parking lors de notre promenade dans la ville. Un vrai contraste avec l'approche très en retenue (voir froide) que nous avions trouvée en Slovénie et dans le nord de la Croatie.
Maintenant que nous avons récupéré notre indispensable GPS, nous prenons la route vers le parc national de l'Una. Nous avons très peu d'informations sur ce premier parc (et le bureau d'accueil du parc était fermé !) donc nous y allons à l'improvisation. Nous passons notre première nuit de camping sauvage à l'entrée. Et oui, ici nous aurons désormais la possibilité de bivouaquer où nous le voulons sans risquer d'amendes : la liberté, la vraie ! Le parc de l'Una est un très bel avant-goût de ce qui nous attend en Bosnie. Nous y croisons quelques panneaux « Attention aux mines » mais surtout une magnifique rivière, d'impressionnantes cascades, des villages perdus au milieu de nul part. Les bosniens, toujours aussi touchants nous saluent avec des signes de la main et des grands sourires.
Après 2 jours, la météo annonce de gros orages donc nous décidons de poursuivre la route vers un lac artificiel que nous avons repéré au sud. Là-bas, nous avons le droit à de magnifiques lumières et même un bel arc-en-ciel au-dessus de Mammouth. Nous profitons du calme pour peaufiner la suite de notre voyage, comme isolés du monde. Si ce n'est un couple de Néerlandais qui viennent perturber notre observation de coucher de soleil avec leur drone et son horrible bruit !
Une fois l'orage passé, le soleil est au beau fixe et nous donne l'occasion de sortir le kayak pour explorer ce lac tant contemplé. Nous trouvons même une petite plage : une séance de bronzette un 2 octobre, cela ne se refuse pas 😉
Décidément, la Bosnie est un pays où le temps s'arrête facilement !