Raki au sommet

Après avoir bien profité du sud de l'Albanie et son ensoleillement, nous mettons cap vers le nord et ses montagnes ! Le mercredi 17 mai, nous arrivons dans la ville de Shkodër, à la frontière du Monténégro, qui nous servira de base pour garer Mammouth le temps d'explorer cette région. Et oui, par ici les routes ne sont pas DU TOUT Mammouth-compatibles, plus proches de la piste 4x4 dans la montagne que de véritables voies goudronnées… Nous avons donc pris l'option de passer par l'agence "Berisha ferries" pour réserver un bateau ainsi que des navettes en mini-bus pour réaliser un petit circuit à travers l'immanquable région des Alpes Dinariques !

Mini-bus - Ferry - Marche

Anciennement rattachée à l'empire Vénitien, la ville de Shkodër possède un petit centre-ville agréable, avec son parc et ses grandes allées piétonnes couvertes de terrasses de restaurants et glaciers (la boule de glaçe à 50 ct, imbattable !). Mais surtout, le cadre est magnifique, aux pieds des montagnes et au bord du lac Skadar, le plus grand des Balkans. Tellement vaste que l'on se croirait en bord de mer ! Nous grimpons jusqu'à la forteresse dominant la ville, en elle-même pas incontournable, mais offrant un panorama à 360° sur la région et le Monténégro situé à quelques kilomètres !

Shkodër est également connue comme étant la « ville du vélo » d'Albanie, et effectivement nous constatons vite qu'il s'agit d'un mode de transport très utilisé de ses habitants. C'est donc l'occasion de sortir nos VTT, qui auront peu servis pendant le voyage, on l'avoue ! Nous décidons de partir en balade jusqu'au pont ottoman de Mes, situé à quelques kilomètres dans la campagne. Quelques coups de pédale plus tard, une belle vue de carte postale s'étend devant nous avec ce pont en pierre, sa petite rivière transparente et les montagnes en arrière-plan !

Sur le retour, nous faisons escale près d'une autre curiosité locale : le showroom d'une fabrique de masques Vénitiens… Et oui, pour l'anecdote, les masques de Venise utilisés lors du Carnaval ne sont pas du tout made in Italie, mais sont fabriqués à la main ici par une cinquantaine d'artisans. L'endroit, bien que légèrement angoissant avec tous ces masques qui nous toisent, recèle de véritables pépites et est vraiment atypique à visiter !

Enfin, l'heure est venue de quitter Skhöder pour notre aventure à l'assaut des montagnes et surtout la fameuse randonnée reliant les villages de Valbona et Theth. Nous mettons le réveil à 6h pour être au rendez-vous de la navette. 2 heures de route, terriblement chaotiques plus tard, nous arrivons au petit port fluvial du lac de Koman, réputé pour ses allures de fjord scandinave. Nous embarquons sur le ferry sous les yeux amusés des Albanais, étonnés de voir un chien grimper sur un bateau. La traversée pour rejoindre le village de Fierze, situé sur l'autre rive prend 3 heures. Et oui, le lac est long de 34km ! Mais les paysages sont à couper le souffle, bien que la journée soit pluvieuse. Les rares rayons de soleil nous laissent tout de même entrevoir la couleur turquoise du lac et les falaises qui s'y reflètent.

A bord, nous sympathisons avec un couple de français en vacances, qui nous mettent en garde concernant la randonnée que nous avons projeté d'entamer le lendemain. Nous l'ignorions complétement, mais un tragique accident a eu lieu, seulement une semaine auparavant, et 2 jeunes femmes sont décédées en tentant de passer le col encore bien enneigé. Cela fait bien froid dans le dos et remet complétement en cause nos plans… Sauf à faire demi-tour, cette randonnée est le seul moyen de relier ces 2 villages et terminer notre boucle jusqu'à Skhöder.

Après quelques recherches, nous découvrons qu'il existe en réalité deux itinéraires possibles pour cette randonnée : un chemin d'été, qui est en effet fermé en cas de neige, et un chemin d'hiver permettant de contourner l'endroit critique de la crête. Le seul problème étant que ce dernier n'est pas balisé et seulement connu des locaux… Mais un peu plus tard, une Autrichienne nous apprend que plusieurs personnes y passent tous les jours en ce moment et que celui-ci est facilement trouvable en suivant les traces de pas dans la neige… Nous verrons donc demain si nous y parvenons sans nous perdre 😉

Encore 1h30 de mini-bus depuis Fierze et nous arrivons au hameau de Valbona, situé au départ de la randonnée. Cette journée de transport a été à la fois longue et incroyable puisque les paysages nous en ont mis plein les yeux ! Nous décidons de nous réconforter avec un repas dans une auberge traditionnelle : agneau pour Valentin, soupe de légumes et pâtes pour moi. Je commande également au dernier moment du « pain au maïs », me réjouissant de pouvoir accompagner ma soupe. Mais le serveur revient avec une assiette de ce qui semble être du pain rassis, nappé d'une sauce blanche dont l'odeur est extrêmement nauséabonde. Je prends sur moi et tente de manger 2 – 3 morceaux au nom de la découverte des spécialités locales… Le goût est acide et râpeux, mélange entre du fromage de cancoillotte ou du lait ribot (Sachant que je n'aime ni l'un, ni l'autre) ! On tient la pire expérience culinaire du voyage 😉

Après une nuit de bivouac près d'un cours d'eau, nous sommes réveillés par un énorme groupe de randonneurs accompagnés d'un guide. Parfait, cela signifie que la randonnée est faisable et nous n'aurons qu'à suivre leur chemin ! Le temps de replier le campement, nous débutons la marche aux alentours de 9h. 

Les premières heures de marche, nous suivons la rivière et grimpons à travers des vallons, ponctuées d'habitations rustiques et de bergeries au toit de tôle qui nous rappellent la Bosnie. Puis, nous arrivons à l'entrée du chemin d'été qui est fermée et bifurquons en cherchant la direction de la piste d'hiver…. La neige fait son apparition et nous constatons qu'elle est extrêmement fréquentée puisque nous pouvons littéralement marcher dans le pas des autres randonneurs. Nous voilà rassurés, nous n'allons pas nous perdre dans la montagne Albanaise !

Après l'ascension d'une belle pente enneigée, nous arrivons finalement au col pour l'heure du pique-nique. La vue sur la crête est splendide et la neige est encore bien présente !

Nous reprenons la route vers Theth, et si les efforts physiques de la montée et la neige sont derrière nous, il nous reste encore 10km à parcourir et quelques descentes un peu glissantes dans des pierriers. Un petit refuge montagnard est l'occasion de prendre un bon café et faire une pause dans l'après-midi, et finalement nous atteignons le charmant village de Theth vers 17h. Calme, très typique et bordé d'une petite rivière, c'est une belle récompense à toute cette journée de marche. Nous plantons la tente dans un champ avec vue 5 étoiles sur les sommets enneigés, le bonheur !

Notre navette pour Skhöder est prévue à 11h le lendemain, ce qui nous laisse le temps de découvrir le village. Nous passons par sa curieuse Tour de réclusion, une des rares du pays à avoir survécu à la période communiste, et nous en apprenons encore un peu plus sur l'histoire de l'Albanie. Selon le Kanun, le code d'honneur du pays établi au Moyen-âge, chaque vie humaine se rachète par une autre. C'est la « reprise de sang ». De ce fait, un meurtre peut être vengé par l'assassinat d'un membre de la famille de l'agresseur. Les personnes se sentant menacées de mort avaient le droit de s'isoler dans ce type de tour, le temps que la situation s'apaise… Et oui, cela ne rigolait pas dans la région, et selon nos informations ce code serait encore respecté dans les régions les plus isolées de l'Albanie, du Kosovo et Monténégro.

Plus légèrement, nous sommes ensuite charmés par la petite église aux tuiles de bois du village. Alors que nous la contemplons sous toutes ses faces, un homme s'approche de Valentin et lui tend un verre en lui lançant « Raki ! ». Hum, comment dire, 9h c'est un peu tôt pour l'apéro, surtout de l'eau-de-vie ! Mais nous sommes amusés de l'invitation et acceptons le défi de ce gentil vieillard Albanais. Un peu plus tard, il s'installe au pied de l'église et commence à nous jouer quelques morceaux avec sa cifteli, genre de luth à deux cordes, nous offrant un dernier souvenir mémorable de notre périple dans les Alpes dinariques.

Alors, oui bien sûr, techniquement, il ne s'agit pas d'un raki pris au sommet de la montagne ! Mais un raki pris à 9h du matin au pied d'une église albanaise, cela atteint tout de même le sommet de la situation invraisemblable, vous en conviendrez 😉